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jeudi 19 décembre 2013

La prescription sur les erreurs de TEG



Arrêt de la Cour d'appel de PARIS, Pôle 5-chambre 6, du 19 décembre 2013.

Des particuliers se sont vu autoriser un découvert en 1992 dont le terme était 2002. En 2005, la banque leur a demandé de rembourser le solde débiteur et a les fait assigner en paiement du solde débiteur. En 2008, le Tribunal de grande instance a ordonné une expertise judiciaire sur le calcul du TEG (Taux effectif global) appliqué par la banque sur le solde débiteur. L'expert a déposé son rapport en 2010 et indiqué que le TEG était erroné.
La banque a soutenu qu'une partie des sommes réclamées à titre reconventionnel par les époux F au titre des intérêts trop versés car le TEG était erroné étaient prescrites en application de l'article 1304 du Code civil relatif à la prescription de 5 ans des actions en nullité.
La Cour a rappelé que le délai de prescription commençait à courir à compter de la date où les emprunteurs avaient eu connaissance ou dû avoir connaissance de l'erreur du TEG pour ensuite estimer que la réception des relevés bancaires n'avait pas pu révéler l'inexactitude du TEG compte tenu de la complexité des calculs qui a rendu nécessaire une mesure d'expertise judiciaire et que la prescription n'était donc pas acquise.
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décision reproduite dans son intégralité : 
Arrêt de la Cour d'appel de PARIS, du 19 décembre 2013, pôle 5, chambre 6 : 
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Décembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL -
APPELANTE
La SA banque X, prise en la personne de ses représentants légaux
Représentée et assistée par Me Frédéric L, avocat au barreau de PARIS,
INTIMES
Monsieur Jean-Luc F.
Représenté et assisté par Me Carine DENEUX-VIALETAY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1663
Madame Catherine F épouse F.
Représentée et assistée par Me Carine DENEUX-VIALETAY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1663
COMPOSITION DE LA COUR:
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Octobre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente, et Madame Caroline FEVRE, Conseillère, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente Madame Caroline FÈVRE, Conseillère


Madame Evelyne DELBES, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN ARRÊT:
        Contradictoire,
       prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
            signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Président et par Madame Josélita COQUIN, Greffier présent lors du prononcé.
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Le 10 mars 1992, Monsieur et Madame Jean-Luc F.ont ouvert un compte de dépôt dans les livres du X avec une autorisation de découvert de 800.000 francs ou 122.000 euros.
Par acte sous seing privé du 3 juillet 1992, les parties ont fixé un terme à l'autorisation de découvert jusqu'au 31 octobre 2002, lequel a été prolongé au 15 novembre 2003 avec réduction progressive du crédit autorisé par avenant en date du 10 juin 2003.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 janvier 2005, la banque X a mis en demeure Monsieur et Madame F.de lui payer le solde débiteur de leur compte ouvert dans ses livres.
Par acte d'huissier en date du 19 octobre 2005, la banque X a fait assigner Monsieur et Madame Jean-Luc F. en paiement devant le tribunal d'instance de Charenton le Pont, qui s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Créteil en raison du montant de la demande reconventionnelle des défendeurs.
Par jugement en date du 16 juin 2008, le tribunal de grande instance de Créteil a ordonné une expertise sur le calcul du taux effectif global appliqué par la banque X sur le solde débiteur du compte courant.
L'expert a déposé son rapport le 30 janvier 2010, en concluant que le taux effectif global calculé selon le taux proportionnel jusqu'au 30 juin 2002, puis selon le taux équivalent à partir du l' juillet 2002 ne correspond pas aux taux effectif global indiqué sur les relevés de compte et a calculé le trop perçu d'intérêts par la banque selon deux hypothèses en fonction de l'application ou non de la prescription.
Par jugement en date du 12 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Créteil a donné acte à la société E de son intervention volontaire, rejeté la demande de prescription soulevée par la banque X et la société E, condamné la banque X à restituer aux époux F.la somme de 38.591,02 euros à titre de trop perçu, condamné la banque X à payer aux époux F.la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire, condamné la banque X aux dépens.
La déclaration d'appel du X a été remise au greffe de la cour le 16 mars 2012.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 31 janvier 2013, la banque X demande de :
                                  réformer le jugement déféré,
                                  condamner in solidum Monsieur et Madame F. à lui payer la somme de 1.369,97 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2005 jusqu'à parfait paiement,
                                  condamner in solidum Monsieur et Madame F. à lui payer la somme de 8.000 euros en remboursement des frais d'expertise,
                                  condamner in solidum Monsieur et Madame F. à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,
                                  ordonner l'exécution provisoire.
Dans leurs dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 5 décembre 2012, Monsieur et Madame Jean-Luc F. demandent de :
                                  dire irrecevables les conclusions de l'appelant et caduc l'appel et, à tout le moins, de déclarer mal fondé la banque X en ses demandes injustifiées par suite du défaut de communication des pièces nécessaires,
                                  subsidiairement et pour le cas où la cause principale ne serait pas entendue, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de prescription soulevée par la banque X et l'a condamné à leur payer la somme de 38.591,02 euros à titre de trop perçu, outre la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens, et, y ajoutant, de condamner la banque X au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 septembre 2013.
CELA ETANT, LA COUR
Considérant que Monsieur et Madame F. excipent de l'irrecevabilité des conclusions de l'appelant et de la caducité de son appel pour défaut de communication de pièces, ce qui est contraire au principe du contradictoire et aux articles 906 et suivants du code de procédure civile ; qu'ils estiment que la banque X n'ayant pas communiqué ses pièces, ses conclusions sont irrecevables et son appel caduc en l'absence de conclusions dans le délai de trois mois ;
Considérant qu'en réponse, la banque X fait valoir qu'il a communiqué ses pièces à la partie intimée par acte d'huissier du 15 juin 2012 ainsi que sa déclaration d'appel et ses conclusions ; que la communication des pièces, qui étaient celles de première instance, a été faite contrairement à ce qui est soutenu par les époux F.; que le défaut de communication des pièces avec les conclusions n'est pas sanctionnée par l'article 906 du code de procédure civile par l'irrecevabilité des conclusions et qu'il y peut être régularisé à tout moment ; qu'il a communiqué ses pièces et que les époux F.ont conclu au fond, que ses conclusions sont recevables et que son appel n'est pas caduc ;
Considérant qu'il est justifié que la banque X a fait signifier à Monsieur et Madame F.sa déclaration d'appel, ses conclusions avec les pièces visées dans le bordereau par acte d'huissier en date du 15 juin 2012;
Considérant que le grief de violation du principe du contradictoire soulevé par Monsieur et Madame F.n'est pas établi ; que la procédure est régulière et que les intimés sont mal fondés en leur demande d'irrecevabilité des conclusions de l'appelant et de caducité d'appel ;
Considérant que la banque X soutient que les demandes des époux F.sont atteintes par la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil ; que leur demande en restitution d'un trop perçu d'intérêts est fondée sur la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts ; que, contrairement à ce qui a été jugé en première instance, le taux effectif global est nécessairement erroné si le calcul pratiqué ne correspond pas au taux effectif global indiqué sur les relevés bancaires en l'absence de prise en compte de la commission d'engagement; que selon la jurisprudence, la sanction d'un taux effectif global erroné est un défaut de taux et la nullité de la stipulation d'intérêt ; que la restitution des intérêts, quelle qu'en soit la cause, n'est pas soumise à la prescription trentenaire, mais à la prescription de cinq ans qui a commencé à courir à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice ce affectant le taux effectif global qui est la réception de chaque relevé de compte ; qu'il prétend que, par l'effet de la prescription des demandes des époux F.pour la période antérieure au 2e trimestre 2001, il lui reste dû la somme de 1.369,97 euros ;
Considérant qu'en réponse, Monsieur et Madame F.font valoir qu'ils ont soulevé en défense une exception de nullité portant sur la stipulation conventionnelle d'intérêts en raison d'un taux effectif global inexact, laquelle est imprescriptible ; que leur demande est fondée sur la répétition de l'indû de l'article 1376 du code civil et est soumise à la prescription trentenaire ; qu'ils n'ont pas contracté un crédit professionnel et que la prescription de l'article 1304 du code civil n'a pas pu commercer à courir avant la découverte de l'erreur affectant le calcul du taux effectif global qui leur a été révélée en 2005 ; que leur demande n'est pas prescrite et que les premiers juges ont justement retenu l'hypothèse 1 de l'expert excluant la prescription ;
Considérant que s'agissant d'un découvert en compte courant accordé à des particuliers pour leurs besoins privés, la prescription de l'exception de nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts fondée sur l'inexactitude du taux effectif global et de la demande subséquente en restitution des intérêts conventionnels indûment perçus commence à courir à compter de l'acte, quand le caractère erroné du taux effectif global est décelable, ou bien à compter du jour où l'erreur a été connue ou a pu l'être par 1' emprunteur ;
Considérant qu'il ressort du dossier et du rapport de l'expert judiciaire que Monsieur et Madame F.ont contesté la stipulation conventionnelle d'intérêts en réponse à la demande en paiement du X par conclusions du 16 mai 2006 après avoir consulté l'association Z en 2005;
Considérant que ce n'est pas la réception de leurs relevés bancaires par les époux F.qui a pu leur révéler l'inexactitude du taux effectif global, compte tenu de la technicité du calcul qui a rendu nécessaire une mesure d'expertise judiciaire pour déterminer la régularité du taux effectif global et le calcul des intérêts par rapport à la convention des parties ;
Considérant qu'il est établi par le rapport de Monsieur Thierry, expert judiciaire, que le taux effectif global calculé selon le taux proportionnel jusqu'au 30 juin 2002, puis selon le taux équivalent à partir du 1" juillet 2002, ne correspond pas au taux effectif global indiqué sur les relevés bancaires du X, qui n'a pas pris en compte la commission d'engagement de concours bancaire accordé à la suite des dépassements de découvert pour les périodes des 3' trimestres 1996 au 2° trimestre 2002, puis pour les périodes des 4°trimestre 2000 au 2e trimestre 2003, puis du 1° trimestre 2004 au 3° trimestre2004 ;
Considérant qu'il se déduit de ces éléments que Monsieur et Madame F. n'ont pas eu connaissance de l'erreur susceptible d'affecter le taux effectif global avant 2005 et que leur demande n'est pas prescrite ;
Considérant que la banque X est, en conséquence, mal fondé à se prévaloir de la prescription de la demande en remboursement des intérêts conventionnels avant le 1" trimestre 2001 ; qu'il doit être condamné à rembourser aux époux F. la somme de 38.591,02 euros au titre des intérêts trop perçus selon le calcul de l'expert judiciaire dans l'hypothèse 1 qui n'est pas contesté ;
Considérant que la banque X est mal fondé en son appel et en toutes ses demandes ; qu'elles seront rejetées ;
Considérant que le jugement déféré sera confirmé par substitution de motifs ;
Considérant qu'il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la banque X à verser à Monsieur et Madame F. la somme de 2.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;
Considérant que la banque X, qui succombe, supportera les dépens
d'appel ;
PAR CES MOTIFS SUBSTITUES A CEUX DES PREMIERS JUGES Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne la SA X à payer à Monsieur et Madame F.la somme de
2.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la SA X aux dépens d'appel avec distraction au profit de l'avocat concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
                                                                                          

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